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L’évolution du droit de propriété (partie II)

Posté par Elie Soltane le 23 novembre 2021
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Dans ce nouvel article, l’équipe DeSol Immobilier souhaite vous partager l’origine du droit de propriété.

Les transformations de la propriété

Elles sont dues aux effets conjugués de l’évolution de la société et de l’économie :

la propriété immobilière a reculé, quantitativement et qualitativement, au profit de la propriété mobilière. L’adage res mobilis, res vilis, n’est plus conforme à la réalité depuis notamment l’apparition et le développement des biens incorporels dont la valeur n’a cessé d’augmenter (droits de propriété intellectuelle, actions et obligations…) ;

la propriété, s’exerçant au sein de rapport sociaux, connaît nécessairement des restrictions tenant à la reconnaissance d’autres droits individuels (servitudes, droits du locataire…) et au souci de protéger la propriété d’autrui ou de préserver l’intérêt de la collectivité (lois d’urbanisme, servitudes d’utilité publique, protection de l’environnement…). Le propriétaire ne peut exercer son droit de propriété que sous réserve de ne pas nuire aux intérêts et aux besoins de la société. Le droit de propriété est un droit accordé dans l’intérêt de tous. C’est en ce sens que l’on assigne à la propriété une fonction sociale.

Ce phénomène de socialisation du droit de propriété se manifeste par les nombreuses restrictions apportées à son absolutisme. Le propriétaire doit agir dans l’interêt de tous et notamment de ceux auxquels il a concédé l’usage ou l’exploitation de son bien (locataire, fermier…). La socialisation se traduit aussi par le développement de la propriété collective. Initialement conçue comme individuelle (le Code civil consacrait une place minime à l’indivision), la propriété s’est adaptée aux besoins de la société qui exigent que plusieurs personnes puissent exercer ce droit sur un même bien (indivision, copropriété), voire toute la collectivité (développement de la propriété publique avec les techniques d’expropriation ou de nationalisation ).

La valeur fondamentale du droit de propriété

Le droit de propriété est affirmé comme un droit de l’homme de valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion, dans une décision du 16 janvier 1982, à propos de la légitimité des nationalisations de 1981, de rappeler ces règles. Il déclare que les principes « énoncés par la Déclaration des droits de l’homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sureté et la résistance à l’oppression qu’encres e qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ». Un nouvel enjeu est apparu, celui de sa conciliation avec les autres droits de l’homme. Tout en affirmant le caractère fondamental du droit de propriété, le Conseil constitutionnel admet que la loi puisse, dans un but d’intérêt général, y apporter des restrictions à condition qu’elles « n’aient pas un caractère de gravité tel qu’elles fassent disparaître la substance même de la propriété » ou « que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés ». Les limitations du droit de propriété doivent être justifiées par l’intérêt général et proportionnées au but recherché.

La protection du droit de propriété, par le Conseil constitutionnel, a été raffermie par le mécanisme de la question propriétaire de constitutionnalité (QPC) qui permet à tout justiciable de contester, devant la plupart des juridictions, la conformité de la loi aux droits et libertés que la Constitution garantit, et en particulier aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme, relatifs au droit de propriété. Plusieurs QPC intéressant le droit des biens ont été soulevées. Ces décisions permettent de contrôler que les atteintes à la propriété sont justifiées par un motif d’intérêt public ou ne dénaturent pas le sens et la portée du droit de propriété. Elles précisent , ce faisant, quelles sont les limites acceptables à l’exercice de ce droit.
La même valeur de droit fondamental est consacrée au niveau international. Ainsi, l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales proclame, dans des termes identiques au droit français, que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens, (et que) nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
La Cour Européenne des droits de l’Homme et la Cour de justice des Communautés européennes consacrent cette vision du droit de propriété, en « principe fondamental qui peut, au nom de l’intérêt général être limité, à la condition de ne pas être méconnu ». Notamment, la CEDH limite les atteintes au droit de propriété en sanctionnant la France pour refus de concours de la force publique à l’expulsion (CEDH, 31 mars 2005, n°62740/00, Matheus c/France : un propriétaire n’avait pu obtenir l’exécution d’une décision d’expulsion pendant 16 ans alors que son fonds était occupé par un ancien locataire à qui il avait tenté de le vendre mais qui, finalement ,y était resté, en toute illégalité). Pour la Cour, l’Etat ne doit pas seulement s’abstenir de toute ingérence, il a aussi des obligations positives de protection. Un État doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour sauvegarder les intérêts patrimoniaux des propriétaires. La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser qu’en cas de conflit entre le droit de propriété et d’autres droits ayant la même valeur dans la hiérarchie des normes, le droit de propriété l’emporte. Ainsi, le propriétaire ne peut se voir refuser l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre au motif que celui-ci y a son domicile protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme (Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n°19-10375). La garantie du droit fondamentale de propriété (par l’expulsion) l’emporte sur le domicile de l’autre.
La loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique contient en ce sens de nouvelles dispositions destinées à faciliter l’expulsion d’occupants sans droit ni titre (« des squatteurs »).

L’article 17 de la *Charte des droits fondamentaux reprend, en la consacrant, la conception du droit de propriété français («  Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécéssaire à l’intérêt général »).

Merci d’avoir suivis cette suite d’article

L’équipe DeSol Immobilier

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